Légion étrangère - 2ème Régiment étranger de Parachutistes - Kolwezi
Legion Etrangere - 2eme REP - Kolwezi

"OPÉRATION LÉOPARD"

Une intervention humanitaire
Kolwezi
17 mai-16 juin 1978

    Dans le cadre du respect des accords de défense, de coopération ou d'assistance signés avec des pays étrangers, la France s'engage à intervenir hors de ses frontières. En 1978, elle dispose ainsi d'une force d'intervention de 20 000 hommes composée de la 11e division parachutiste (11e DP), de la 9e division d'infanterie de marine (9e DIMa.) et de forces navales et aériennes. Les régiments professionnels de la 11e DP sont alternativement mis en alerte, alerte baptisée "Guépard", afin d'être projetés sans préavis suivant les besoins.

    La France signe en 1975 avec le Zaïre, ex-Congo belge, un protocole de coopération militaire qui prévoit assistance et formation. L'opération "Léopard" menée dans ce cadre, en 1978, par le 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP) de la 11e DP à Kolwezi est un exemple caractéristique d'intervention rapide et adaptée pour répondre à une crise limitée.

Une région sous tension
      La crise de Kolwezi est une crise régionale et inter-étatique à la dimension humanitaire évidente qui s'inscrit dans le contexte de la Guerre Froide. La plupart des pays d'Afrique se rapprochent de l'un ou de l'autre des deux blocs. Les adversaires du général Mobutu, président du Zaïre, sont soutenus par l'Angola, pays de la mouvance soviétique, tandis que le général Mobutu, pro-occidental, apporte son aide à l'opposition angolaise.

      Au début du mois de mai 1978, les héritiers des "Tigres katangais", opposants au président zaïrois et partisans de la sécession du Shaba, ex-Katanga, exilés en Angola depuis 1963, investissent cette région. Le Shaba est une région minière méridionale du Zaïre dont la principale ville est Kolwezi, agglomération stratégique en raison de sa proximité avec la Zambie et la richesse de son sous-sol qui renferme du cuivre et du cobalt. Près de 2 500 Européens, essentiellement des Français et des Belges dont beaucoup travaillent pour une entreprise minière, la Gecamines, et environ 100 000 Zaïrois vivent dans cette ville de 40 km2.

Une population prise en otage

      Kolwezi tombe le 13 mai. Les rebelles se livrent immédiatement aux premiers pillages et aux premiers massacres. Dès le lendemain, le général Mobutu appelle la communauté internationale à l'aide : les États-Unis ne veulent pas s'engager ; la Belgique hésite à le faire.
      Dans le même temps, l'ambassadeur de France, M. André Ross, et le chef de la mission française d'assistance militaire, le colonel Gras, informent Paris des événements et demandent à plusieurs reprises au gouvernement français d'intervenir pour arrêter les massacres. Parallèlement, inquiète pour sa sécurité, la communauté belge du Shaba fait de même auprès de la Belgique.

      Dans l'urgence, le colonel Gras pousse le général Mobutu à envoyer des éléments du 311e bataillon parachutiste, formé par des instructeurs français, pour tenir le pont de Lualaba, point de passage obligé entre le Shaba et le reste du pays.

     La situation ne cesse cependant d'empirer à Kolwezi. Alors que les exactions commises par les rebelles se multiplient, la situation militaire est de plus en plus confuse : Mobutu tente, mais sans succès, de reprendre la ville avec les éléments restants du 311e bataillon parachutiste largués sur zone ; les éléments de ce même bataillon déjà envoyés pour tenir le pont de Lualaba dépassent leur objectif et s'emparent de l'aéroport de Kolwezi.

      Malgré la difficulté d'évaluer précisément le volume des Katangais, une opération choc, basée sur la surprise produite par l'arrivée de plusieurs centaines de parachutistes dans la ville, semble pouvoir réussir. Le président Giscard d'Estaing prend donc la décision de faire intervenir une unité parachutiste. En mai 1978, le 2e REP, commandé par le colonel Erulin, est de "Guépard". La date de cette opération est fixée au 20 mai.

Une force d'intervention en action

      Mis en alerte, le 17 mai, le 2e REP embarque à Solenzara sur un DC 8 français et des avions gros porteurs américains dans la nuit du 17 au 18 et arrive à Kinshasa, la capitale du Zaïre, quelques heures plus tard, avec mission de sauter sur Kolwezi pour sauver les Européens.

      Le 18, tandis que les Belges hésitent toujours sur la nécessité d'une action, les forces zaïroises interceptent un message des rebelles indiquant qu'ils se préparent à quitter Kolwezi en emmenant les Européens, après avoir détruit les installations industrielles. Il faut faire vite. Les colonels Gras et Erulin fixent immédiatement les détails de l'opération : dès le lendemain, équipés de parachutes américains et transportés par cinq avions, un Transall C160 français et quatre Hercule C130 zaïrois, les légionnaires sauteront en deux vagues sur Kolwezi, en début d'après-midi et en fin de journée.

      Les 1re, 2e, 3e compagnies du 2e REP et une partie de l'état-major de la première vague sautent sur le terrain désaffecté d'un petit aéroclub situé au nord de la vieille ville avec pour mission de sécuriser cette partie de Kolwezi. En une heure, malgré la résistance de groupes isolés, la situation est maîtrisée.

      La 4e compagnie du 2e REP, le PC principal, la section d'éclairage, la section de mortiers et les éléments de la mission d'assistance militaire de la seconde vague sont transportés par un DC10 zaïrois à Kamina où, après avoir largué la première vague, les avions viennent les récupérer. Leur embarquement ayant été retardé par l'arrivée de parachutistes belges envoyés au Zaïre pour rapatrier leurs compatriotes, ils sont largués le 20 au matin à l'est de Kolwezi avec mission de sécuriser la ville nouvelle et le secteur nord. Appuyés par leurs camarades déjà présents en ville, les légionnaires prennent le contrôle de Kolwezi, au prix de violents combats autour de l'hôtel Impala, siège du quartier général des rebelles, et de l'hôpital.

      Le 20 au soir, la totalité de Kolwezi est sécurisée. Les parachutistes belges y arrivent au même moment. En moins de trois jours, en raison de la panique qui s'empare de l'ensemble de la population blanche de la ville, tous les Européens sont finalement évacués par les Belges, essentiellement vers Kinshasa.

      Les légionnaires sont désormais chargés de la sécurité d'une ville vidée de sa population européenne, dont les rues sont jonchées de près de 900 cadavres, où la population zaïroise attend aide et assistance. Ils poussent des reconnaissances dans les villages aux alentours où les Katangais se sont rassemblés afin de les obliger à abandonner le terrain. Après des combats parfois intenses, notamment à Kapata ou à Luala, les rebelles ne tardent pas à se replier en Angola, abandonnant une grande quantité de leur matériel.

Le bilan des opérations
      Le bilan de l'opération est lourd : pour les militaires, 5 tués et 20 blessés au 2e REP, 6 disparus à la mission militaire française, 1 tué pour les parachutistes belges, 14 tués et 8 blessés au 311e bataillon parachutiste zaïrois, et enfin près de 250 Katangais tués et 160 prisonniers. Pour les civils, environ 120 Européens sont tués et plus de 2 000 sauvés. Près de 500 Zaïrois, civils et militaires, ont été tués. De nombreuses armes lourdes et plusieurs centaines de fusils sont récupérés.

      A l'issue de l'opération sur Kolwezi, deux conclusions s'imposent : si les moyens de projection dont disposent les forces françaises sont insuffisants sur longue distance, les opérations, aéroportées ou non, menées par des troupes professionnelles sont très efficaces. Le processus de professionnalisation des forces armées déjà amorcé va donc s'accélérer avec la création, en 1983, de la force d'action rapide (FAR) puis, à partir de 1997, avec le passage à une armée de métier.
En résumé
      En mai 1978, les héritiers des "Tigres katangais" investissent la province minière du Shaba, au Zaïre, et commencent pillages et massacres. Près de 2500 Français et Belges sont menacés; 120 d'entre eux vont périr, ainsi que près de 500 Zaïrois. Dans une opération "choc", les légionnaires du 2e REP sautent sur Kolwezi puis les évacuent avec l'aide des parachutistes belges.