Alors que le 2e BEP vient de livrer de terribles combats à Nghia-Lo au mois d'octobre 1952, le Vietminh reprend le contrôle de la région située entre le fleuve Rouge et la rivière Noire. Pour parer à cette menace, le général Salan fait organiser rapidement le camp retranché de Na-San. La Légion va jouer un rôle important dans la bataille. Aux côtés de cinq bataillons marocains, thaïs et vietnamiens, des unités parachutistes, 3e BCP et 6e BCP de Bigeard, la garnison compte le 3/3e REI, le 3/5e REI, la Compagnie des mortiers lourds de la Légion étrangère à six tubes de 120 et six tubes de 81, et les deux BEP qui, comme un peu plus tard à Diên Bien Phu, s'ils constituent des troupes d'intervention, tiennent également des points d'appui. Une fois encore, les bo-doïs de Giap se heurtent à l'inflexible volonté du général Gilles dont les légionnaires, les tirailleurs et les parachutistes vont bloquer le corps de bataille vietminh en le décimant sur les pentes des points d'appui.
Non moindre exploit, le général Gilles parviendra à escamoter la garnison au complet avant que Giap ne s'en aperçoive et puisse réagir. Pourtant, le généralissime viet a rassemblé là les divisions 308 et 312, et la division lourde 351 ; cette concentration marque le début de la bataille du pays thaï. Le 19 octobre, le général de Linarès, l'un des maréchaux de de Lattre, au même titre que Salan ou de Castries, constitue le « groupement opérationnel de la moyenne rivière Noire » (GOMRN), qu'il confie au colonel Gilles. Sa mission est « d'organiser la défense de la vallée de la rivière Noire et de la RP 41 en la centrant sur Na-San ».
En fait, dès sa création au début du mois de novembre, le camp retranché a pour objectif principal non seulement de tenir tête aux assauts des divisions viets, mais aussi d'endiguer leur avance vers le Laos.
« Ce n'était pas une solution de désespoir, mais le résultat d'un audacieux calcul. Na-San a été choisi parce qu'il possédait un terrain d'aviation apte à recevoir des bimoteurs, parce que les collines qui dominent la vallée de Na-San sont autant de murailles infranchissables ; parce qu'il n'était qu'à cinquante minutes d'avion des bases de Hanoï et parce qu'il représentait un nœud stratégique sur la RP 41 qui menaçait les arrières de l'ennemi aventuré jusqu'aux frontières du Laos. Na-San n'était pas simplement une force défensive, mais pouvait devenir, à l'heure choisie, une force offensive. »
Dans la cuvette de Na-San, plus de 10 000 hommes s'installent à partir du mois novembre, creusant des tranchées, des abris, s'organisant à quatre mètres sous terre comme durant la Grande Guerre. Un pont aérien quotidien permet le suivi régulier de la logistique de la garnison. Toutes les dix minutes, un Dakota apparaît dans le ciel de Na-San ; quand le temps ne permet pas les atterrissages, ceux-ci sont remplacés par un parachutage. En premier lieu, Na-San est le « rendez-vous » de tous les postes qui, à quatre-vingts kilomètres à la ronde se rabattent sur Na-San pour échapper à la manœuvre d'encerclement vietminh en haute région tonkinoise.
Les forces ainsi recueillies renforcent la garnison du camp retranché. Parmi elles, le 6e BPC qui, grâce au sacrifice du poste de Muong-Chen commandé par l'adjudant Peyrol, vient de gagner sa course à la mort entre Tu-Lê et Son-La, avant de rejoindre Na-San, puis Hanoï. Peu à peu, Na-San développe ses défenses ; le 22 novembre, le repli des unités extérieures est entièrement terminé et Na-San est devenu une véritable forteresse. Au centre la piste d'aviation, vitale pour le camp retranché. Tout autour, des pitons reliés entre eux par de petits cols ou de simples ensellements. Fortifiés et les abords minés, c'est sur eux que buteront les bo-doïs de Giap. L'existence ordinaire se déroule maintenant dans une merveilleuse minutie. Les avions atterrissent et décollent. Le ravitaillement comprend même des légumes frais. Le téléphone fonctionne mieux qu'à Paris, et il y a en plus la radio. Les patrouilles circulent sans cesse sur la périphérie. A peine quelques vietminh ont-ils été repérés que les canons ou les mortiers entrent en action. Et si l'ennemi insiste, la chasse intervient. Régulièrement, les petits Morane font leur tournée d'inspection au-dessus de la jungle environnante - Indochine -Sud-Est asiatique. Après avoir installé le camp retranché, le général Gilles lance des opérations « d'extension » du périmètre de'Na-San.
Alors que le 3e BPC arrive à Na-San le 18 novembre et le 2e BEP du commandant Bloch le 19, avant d'être aussitôt poussé sur Chien-Dong, le 20 novembre, le 1er BEP du commandant Brothier et le PC du GAP du colonel Ducourneau sont dirigés sur Co-Noï, à une vingtaine de kilomètres à l'est de la vallée de Na-San par la RP 41 qui conduit à Moe-Chau et à Hoa-Binh.
Mais devant la pression ennemie et les menaces sérieuses de débordement, le repli général sur Na-San est décidé en fin de soirée du 21. Le lendemain à 7 heures, le 1er BEP reste le dernier le poste de Co-Noï qu'il a complètement détruit. Les défenses de Na-San sont tâtées dès le 23 novembre. Poussant devant lui les éléments d'un bataillon thaï en surveillance sur le périmètre du camp retranché, un régiment viet submerge le PA 8, mais une compagnie parachutiste contre-attaque et réoccupe le point d'appui vers 23 heures. Les légionnaires ne sont pas en reste et dans la même nuit, les positions du 3/5e Etranger sont vigoureusement attaquées. Chaque PA a son histoire, mais celle du légionnaire Link Kinde du 3/5e REI, un défenseur parmi tant d'autres du camp retranché, donne une idée significative de la farouche volonté qui anime la garnison:
Les viets ont tâté les pitons à tour de rôle, cherchant la faille. La première attaque, une nuit de novembre dernier. L'obscurité vient de se faufiler dans les écheveaux de fils de fer barbelés. Dans leurs trous hâtivement creusés - Na-San n'est pas encore passé sous terre - les légionnaires sont en place, comme les pions d'un jeu d'échecs au moment d'engager la partie. Le sergent Verbeugt, de Boulogne-Billancourt, qui commande le secteur, tel un oiseau de nuit, va de l'un à l'autre, sans bruit, parlant bas, vérifiant les rouages de sa machine de combat. Il flaire le danger. Un froissement indescriptible le fait tressauter. Ça vient des barbelés.
Il est sur le qui-vive : Ne tirez pas, ici Thaïs, crie une voix. Des Thaïs ? D'où viennent-ils ? Encore quelques-uns des pèlerins de Na-San qu'on a coutume de recueillir depuis quelques semaines déjà ! Mais une autre voix, étranglée celle-là, venue d'une extrémité de la nuit, arrache les hommes à l'état d'ankylose que provoque la longue attente immobile : Tirez, les viets ! Une trentaine de vietminh s'étaient infiltrés par la ruse dans la position. Fusils, fusils-mitrailleurs, mitraillettes, mitrailleuses, toutes les armes en batterie se mettent à perforer la nuit, à la cisailler, à l'éventrer en tous sens. Les balles bourdonnent sur la tête des combattants, comme un essaim d'abeilles. Il en vient de toutes parts ; c'est la plus grande confusion. Au milieu de la mêlée, le légionnaire Link Kinde est fait prisonnier avec son FM.
Arraché de la position, il est poussé hors du combat, déjà perdu pour sa compagnie et pour la liberté Mais Link, qui sent bouillir son sang, éclate entre les mains de son gardien comme une grenade. Dans la nuit, il l'étourdit à coups de poing, lui reprend son FM et, plein d'aplomb, remonte vers la position, mêlé à une nouvelle vague d'assaut vietminh qui se rue au-devant des armes automatiques françaises. Autour de lui tombent des soldats vietminh. Il risque d'être atteint à son tour et de rouler sur leurs cadavres. Qu'importe ! Le voici sur le piton, confondant amis et ennemis, bousculant les uns et les autres, pour rejoindre son poste de combat. Un trou est vide, abandonné à ses pieds. Il saute, met son FM en batterie : une arme de plus mêle son aboiement à la cacophonie générale. » En fait, la véritable attaque vient de la division 308 dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre. Tous les centres de résistance sont menacés. Malgré les pertes, malgré les feux qui les déciment, malgré l'aviation, le napalm, l'artillerie qui les fauche, toute la nuit les vagues d'assaut se succèdent contre les points d'appui du camp retranché. Une partie importante de l'attaque vise le PA du 3/3e REI. Les viets pratiquent des brèches dans les barbelés en utilisant des sortes de bengalores de fabrication locale, constitués de gros bambous bourrés d'explosifs et de cartouches de fusil. Formés à une discipline de feu stricte, les légionnaires les laissent arriver jusqu'aux brèches.
Les premiers qui se présentent sont des tireurs au fusil-mitrailleur. Ils sont aussitôt abattus et le même sort est réservé aux fantassins qui se bousculent derrière eux. L'artillerie applique efficacement ses plans de feux qui désorganisent les colonnes viet ; les privateers exécutent leurs bombardements et larguent leurs bidons de napalm à moins d'un kilomètre, sur les ravins qui bordent les centres de résistance et qui abritent les troupes destinées aux attaques ultérieures. Une deuxième tentative des viets est brisée vers 2 heures du matin, le 2 décembre. Peu avant l'aube, un ultime assaut se traduit par un nouvel échec ; les crêtes de la périphérie de Na-San ne sont plus qu'une longue ligne de feu. Enfin, l'ennemi abandonne la partie. Quand le jour se lève, 237 cadavres viets gisent devant le point d'appui.
Ce succès, acquis au prix de 7 morts et 22 blessés vaut au 3/3e REI, après le sacrifice de la RC 4, une 6e palme à son fanion. Les PA extérieurs 22 bis et 24 tenus par des bataillons thaïs subissent un choc aussi violent. A l'ouest, sur le piton 8 où ils sont installés depuis qu'ils ont repris le point d'appui, les légionnaires parachutistes du 1er BEP dirigent les mortiers de la CMLE qui matraquent l'ennemi. Mais en une demi-heure, les viets enlèvent les deux points d'appui. Le colonel Gilles ordonne aussitôt la contre-attaque. Le 2e BEP est chargé de reprendre le PA 22 bis. Après une puissante préparation d'artillerie, les compagnies montent à l'assaut au petit matin. Les viets, sonnés par l'artillerie, n'offrent que peu de résistance et le 22 bis est de nouveau occupé. Ailleurs, c'est un véritable flot qui déferle sur les positions de la 10e compagnie du 3/5e REI. Sur certains points, les viets arrivent à trente mètres des légionnaires, mais ils ne peuvent s'emparer des retranchements. Décimés, ils abandonnent la partie, laissant sur les pentes du PA 350 morts. Chez les tirailleurs, à 20H30, le PA 24 envoie un dernier message : « Les viets sont partout je détruis mon poste radio... ». A 8 heures du matin, le 1er décembre, le 3e BCP s'apprête à reconquérir le PA 24. En difficulté sur les pentes du piton, ce bataillon reçoit le renfort du 2e BEP. La nuit suivante, le 2e BEP reprend son rôle de réserve d'intervention. Au matin du 2 décembre, le bataillon monte renforcer le 3/5e Etranger sur le PA 21 bis qui a résisté victorieusement à plusieurs assauts. Certaines positions ont été très éprouvées, d'autres perdues après une résistance acharnée comme sur le PA 24, mais plusieurs contre-attaques ont permis de rétablir l'intégralité du dispositif défensif. Très éprouvées, les troupes de Giap se retirent dans la nuit du 6 au 7 décembre 1952, abandonnant sur le terrain plus de 1 500 tués et 2 000 blessés prisonniers, sans compter ceux qui décéderont ou seront impitoyablement achevés au cours de la retraite.
Après ses déboires du mois de décembre 1952, le commandement vietminh décide de remettre de l'ordre dans son dispositif et de donner du repos à ses troupes. Les régiments 88 et 102 décrochent de Na-San le 15 décembre.
Le régiment 174 s'installe autour de Co-Noï où il est rejoint par deux bataillons du 176 vers le 25 décembre. Trois régiments implantés au sud-est et au nord-ouest du camp retranché doivent s'opposer à toute sortie en force. Enfin, les régiments 98 et 141 sont chargés d'exécuter un raid sur Sam-Neua. Na-San va encore jouer un rôle important dans l'offensive viet du printemps 1953 sur le Laos.
Dès le mois de janvier 1953, le commandement français aère le centre de résistance par des reconnaissances à l'échelon bataillon. L'ennemi ne se dévoilant guère, des reconnaissances sont lancées à sa recherche. Cela aboutit à faire de la jungle un no man's land où les lois de la guerre sont particulièrement dures. La zone d'engagement des patrouilles passe par un arc de cercle allant de Mal-Son à Yen-Chau, un terrain où la ruse le dispute à l'audace et la cruauté. « La partie commençait toujours de même, poursuit Lucien Bodard, avec des Français qui s'enfonçaient dans la jungle, jusqu'à ce que l'ennemi camouflé se dévoilât : le premier contact était toujours assez dur, car cela consistait à se faire tirer dessus. Les viet-minhs employaient tout leur art des embuscades, les nôtres toute la vigueur de leurs réflexes. C'était presque du corps à corps, en tout cas de la mitraillette contre mitraillette. Il fallait tenir l'accrochage jusqu'à ce qu'intervînt l'artillerie ou l'aviation — attendant de seconde en seconde d'entrer en action, depuis que l'infanterie avait atteint les lieux dangereux.»
Au cours de ces actions, les unités viets qui maintiennent la pression sur le camp retranché sont localisées, puis neutralisées par des tirs massifs d'artillerie et des bombardements répétés de l'aviation. Il s'agit maintenant de reprendre progressivement le contrôle du pays thaï et d'assurer la couverture face au nord du Laos. Pour cela, un GAP comprenant le 2e BEP, les 3e et 5e BPC exécute un raid de va-et-vient sur l'axe Na-San - Son-La entre le 19 et le 20 décembre 1952. Le 25 décembre, alors que le 2e BEP et les deux autres bataillons parachutistes progressent vers Co-Noï, le 6e BPC et le 1er Bawouans sautent dans les environs de Co-Noï.
Le 29 décembre, les cinq bataillons sont réunis à Co-Noï et installent une base fortifiée d'où ils vont lancer une série de reconnaissances offensives. Au mois de janvier 1953, solidement implanté à Na-San, où les bataillons de Légion effectuent de nombreuses sorties dans le périmètre de la base aéro-terrestre, tenant Co-Noï et contrôlant la RP 41, Gilles peut lancer le GAP vers le nord et le sud-est. « Ainsi donc, lit-on dans Indochine - Sud-Est Asiatique, la revue du CEFEO, des bataillons à pied furent rejoints par des bataillons tombés du ciel, et le tout aboutit à Co-Noï. L'artillerie était poussée de position en position, pour protéger l'affaire. A Co-Noï, des barbelés et tout l'attirail nécessaire furent droppés ; la terre fut creusée et la brousse fut flambée. La succursale consista bientôt en une petite couronne en ellipse de points d'appui. Mais il n'y avait pas d'aérodrome, en sorte que le cordon ombilical fut la route, la RP 41 sur plus de vingt kilomètres à travers la jungle. En réalité, Co-Noï ne fut qu'une partie du grand Na-San. » Alors que le 1er BEP est ramené à Hanoï, au début de 1953, le 2e BEP effectue plusieurs opérations de nettoyage et de protection dans le secteur de Na-San avec le 6e BCP de Bigeard, notamment sur l'axe Bang-Che-Lung - Bang-Co. Il participe également à une reconnaissance en force vers Ban-Y-Luong, le 30 janvier. Le Vietminh a bien renoncé à attaquer Na-San, mais il bloque la place avec quatre régiments, ce qui provoque le retour du 2e BEP dans le périmètre défensif du camp retranché. Pendant ce temps, Giap s'apprête à investir Sam-Neua et à déferler sur le Laos. A partir du 19 avril, des unités de Na-San, dont le 2e BEP, sont acheminées vers les centres de résistance de la plaine des Jarres et de Louang-Prabang, au Laos, menacés par l'offensive de Giap. La menace sur le Laos va ainsi déterminer toute la stratégie française jusqu'à la fin des hostilités, de l'évacuation de Na-San jusqu'à la tragédie finale de Diên Bien Phu, en qui le nouveau général en chef Navarre a cru voir un nouveau Na-San encore plus puissant. Durant plusieurs mois encore, Na-San va jouer son double rôle de môle protecteur et de base offensive avant que la nouvelle équipe, Navarre et Cogny, qui ont remplacé Salan et de Linarès à la tête du CEFEO, ne décide l'évacuation de Na-San.
Malgré la fuite en avant du gouvernement qui cherche à tout prix à se dépêtrer de la guerre d'Indochine, optant de préférence pour une solution négociée au détriment de toute action offensive qui pourrait être envisagée à la suite des succès de Salan et Linarès à Na-San et dans la défense du Laos. Pourtant, c'est sur cette voie que s'engage le général Navarre. Il lance diverses opérations qui s'avèrent payantes et bâtit déjà un projet plus audacieux qui vise deux objectifs. L'aménagement d'une nouvelle base aéro-terrestre qui lui permettrait de verrouiller la route du Laos et d'y attirer tout le corps de bataille viet dans le dessein de le réduire, sinon de l'écraser. Le choix géographique du général en chef se porte sur Diên Bien Phu, situé à 300 kilomètres à l'ouest d'Hanoï, en Haute-Région.
N'étant plus un obstacle suffisant pour les communications de l'adversaire, Na-San n'a désormais plus lieu d'être. Le général Cogny, chef des forces terrestres du Nord-Vietnam, aurait bien voulu, si cela avait été possible, transférer directement Na-San à Diên Bien Phu, mais le corps expéditionnaire n'a pas les moyens de ses ambitions. A Na-San, il ne reste plus qu'à préparer la sortie. L'envoi de faux messages du général Gilles à Hanoï réclamant l'envoi d'unités parachutistes et légionnaires pour augmenter le volume des sorties de la garnison au cours de l'été va « intoxiquer » l'état-major de Giap dont les troupes restent prudemment hors de portée du camp retranché. Pendant ce temps, le GCMA organise de nombreuses diversions sur les avères de l'ennemi. Ainsi, le 1er août 1953, le sergent-chef Chatel, à la tète de 1000 partisans envahit Son-La, base arrière du régiment 88, gardée seulement par des milices communales. Pendant ce temps, le maquis Aiglon de Muong-Lam rejoint la cuvette de Na-San, où il relève sur les points d'appui les premières troupes destinées à l'évacuation. Le capitaine Hébert dirige les mouvements de ses maquis qui représentent alors 3500 hommes à Na-San et dans sa périphérie. « Le 5 août, une suite ininterrompu de Dakota, cap à l'ouest, rallie Na-San. Des Bristol et le seul Globe-Master de la compagnie Aigle-Azur sont également de la partie. A peine posés, des avions déversent quelques détachements pour faire croire à des mouvements et à des relèves de personnel avant d'en embarquer d'autres ou des notables thaïs et leurs familles.
Na-San est une véritable ruche bourdonnante, envahie par la poussière que soulèvent les mouvements des avions et des véhicules. » Cette agitation apparemment désordonnée, mais soigneusement planifiée et cachée par la poussière désoriente les observateurs Viets qui croiront jusqu'au bout au renforcement de la garnison, d'autant que ; les maquis maintiennent un fort volume d'activités opérationnelles. Les unes après les autres, les unités décrochent de leurs pitons, le 3/3e REI et le 3/5e REI parmi les dernières. Le 12 août, les techniciens de l'armée de l'air démontent leurs installations et les équipements de la tour. Hormis les GCMA et une section du 3e bataillon thai qui occupent les points sensibles, toute la garnison a été évacuée. En fin d'après-midi, après qu'un détachement du Génie-Légion eut fini de disposer les charges qui exploseront peu après, le Dakota zoulou tango piloté par le commandant Foucault s'aligne sur la piste et décolle en direction de Gia-Lam. En dehors des « petits cadeaux d'amitié », les pitons sautent les uns après les autres, couvrant le repli des GCMA qui, à la faveur de l'obscurité, se coulent dans la jungle.
A Na-San, les Français ont indéniablement remporté un grand succès défensif et dans lequel la Légion a tenu une place importante. Ce succès re pose sur plusieurs atouts ; excellence des renseignements recueillis par les GCMA ; rapidité d'intervention des unités légères, parmi lesquelles les deux BEP figurent en tête ; pugnacité des troupes de secteur, tirailleurs et légionnaires, appuis d'artillerie parfaitement maîtrisés et rôle prépondérant de l'aviation qui, malgré de faibles moyens ne s'est jamais démenti, que ce soit le transport, le bombardement ou l'appui au sol. Fort de ce succès, le procédé des camps retranchés va apparaître comme la meilleure riposte aux offensives du Vietminh en Haute-Région. Il offre en effet, la possibilité au commandement français de manœuvrer en s'appuyant sur un réseau de places et en s'affranchissant des lignes de communication grâce à l'utilisation de puissants ponts aériens.
Le but final est « imposer à l'ennemi la bataille sur un terrain favorable à la combinaison des armes et desservi par un terrain d'aviation permettant le ravitaillement régulier des unités combattantes ». Le désastre de Diên Bien Phu démontrera l'effet pernicieux d'un mauvaise appréhension des enseignements de Ne San face à Giap qui a beaucoup appris et dont I priorité sera d'interdire la piste d'aviation au plus tôt.