Au plus fort de la bataille de Nghia-Lo, le général Salan déclenche trois OAP. Le 2 octobre 1951, le 8e BPC est largué sur la cuvette et accroche les viets sur leurs arrières, mais il est obligé de se replier en soutenant de très durs combats, qui lui occasionnent des pertes sévères. Le général Salan décide de lui venir en aide et déclenche Thérèse. Le 2e BEP du commandant Raffalli saute sur Gia-Hoï. A terre, il forme un groupement opérationnel avec le 8e BPC et l'ACP 1 sous les ordres du lieutenant-colonel de Rocquigny. Dès que le bataillon est regroupé, Raffalli fait mouvement sur la cote 405, au sud du col de Ban-Van, qu'il atteint dans la soirée. La compagnie Longeret est restée en réserve à Gia-Hoï, mais elle doit détacher une section en reconnaissance sur les lieux où le 8e BCP a été durement accroché la veille. Malgré les craintes qu'inspire cette mission, la section du lieutenant Clementin revient intacte et ramène de précieux renseignements.
Le 5 octobre, Rocquigny ordonne au 2e BEP de se rendre à Bac-Co, à six kilomètres seulement de Gia-Hoï. Il faut au bataillon plus de neuf heures d'une marche épuisante pour réaliser le parcours. Le commandant Raffalli a allégé les hommes au maximum. A l'exception de celui de la compagnie Lemaire, les canons de 57 SR et les mortiers de 81 sont restés à Gia-Hoï. Les parachutistes sont redevenus des légionnaires confrontés à un terrain difficile où le viet peut surgir à chaque seconde. Une dure marche commence, avec tout l'équipement du combattant de 1951 et des sacs souvent lourdement chargés. Après la rivière passée à gué, un petit torrent de montagne impose de rudes qualités d'équilibriste.
Un bref repos, après plusieurs heures de marche, repos coupé d'une MIC grillée avec délice et d'un coup de rouge, également adopté et apprécié par le parachutiste -vietnamien, le dernier camarade du légionnaire, mais non le moins fidèle.
Le 6 octobre, le 2e BEP accroche au sud de Bo-Sien. A 10h00 la compagnie Calixte tombe nez à nez avec un élément viet en tenue parachutiste commandé par un "déserteur" "arabe" .La réaction des légionnaires est instantanée et les viets sont culbutés par la fougue de l'assaut.
Raffalli s'installe à Bo-Sieng avec son PC. De là, il fait manoeuvrer la compagnie Lemaire et ordonne à la CIPLE de Denoix de Saint-Marc de prendre un piton boisé sur lequel un élément viet gêne considérablement les mouvements du bataillon. Les combats vont durer toute l'après-midi, mais les Vietnamiens de la CIPLE ont enfin le dernier mot. Le 2e BEP occupe les villages dominant et la piste de Khau-Vac. Un silence profond remplace le vacarme des armes : Raffalli a perdu le contact radio avec le PC du lieutenant-colonel de Rocquigny.
Celui-ci, inquiet, envoie le « 8 » à la rencontre du 2e BEP ; mais les parachutistes coloniaux sont bloqués à Tan-Kouen. Et toujours aucune liaison avec le 2e BEP. A Bo-Sieng, Raffalli s'est enterré en point d'appui et attend l'inévitable charge que ne va pas manquer de lancer le colonel Tan, commandant la 312.
Le correspondant de Képi Blanc a participé à ces journées des 6 et 7 octobre 1952:
La bataille est engagée dans l'après-midi du 6 et, après plusieurs assauts, les viets sont délogés de leur position dominante. Refoulés, ils reviennent toute la journée, en rang serré, au coude à coude, et cela continue toute la nuit. Les armes crachent, tuent, meurtrissent. Lorsque les munitions sont épuisées, les engagements se poursuivent à la baïonnette, au poignard, aux poings. L'ennemi donne dans le plan : il fait décimer ses plus beaux bataillons, ses brigades d'élite.
La situation est délicate. Le 2e BEP compte 26 tués ou disparus et autant de blessés, qui s'ajoutent aux pertes précédentes. Toujours sans liaison radio, le commandant Raffalli décide de décrocher vers la crête de Tin-Kouen où, croit-il l'attend le 8e BCP. A 04H30, le mouvement commence ; les blessés à qui l'on impose silence, sont brancardés sous la responsabilité du capitaine médecin Châtaigneau. Un seul SCR 300 dont l'opérateur envoie des messages en l'air, doutant de leur efficacité.Néanmoins, à 24 kilomètres de là, le transmetteur de la 15e compagnie du 8e BCP accroche un message.
« C'était inaudible ou presque » , raconte le colonel Bénazé, alors lieutenant commandant la 15e compagnie, haché et couvert par un feu violent nourri et très proche. Il fallait faire répéter plus de dix fois le même mot, pour saisir tout le sens d'un dialogue émouvant et tragique. La réception du message a bien duré vingt minutes. Une liaison très exceptionnelle pour un poste SCR 300.
Ayant situé le 8e BPC, les légionnaires décrochent en silence et, après avoir traversé un ancien bivouac viet, le 2e BEP descend dans une gorge où coule la Nam-Muoï avec ses blessés.
Malgré les difficultés du terrain, les premiers éléments du bataillon entament l'ascension d'une crête qui domine : à l'est, la piste de Khau-Vac : à l'ouest, la vallée de la Ni-Minh. La liaison radio miraculeuse confirme que le 8e BPC est installé en recueil sur la 405. Les vallées sont tenues par les viets et le 2e BEP est à cheval sur une crête au milieu d'eux.
Malgré les bo-doïs à qui il faut donner l'assaut pour se dégager, malgré les pentes escarpées et argileuses où les hommes s'accrochent aux bambous, malgré les layons qu'il faut ouvrir au coupe-coupe pour faire passer les brancards, malgré la pluie, le bataillon atteint la 405. II lui aura fallu deux jours pour rejoindre les paras de Rocquigny qui annoncera à Raffalli le retentissant succès de Nghia-Lo.